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Bonjour bonjour !
Je vous écris depuis la montagne en compagnie de ma famille et de quelques amis. Ce matin, au cours de notre déjeuner chaotique, Estelle et Loïc ont fait part de leur envie du jour : ne pas utiliser leur téléphone jusqu’à 20h ce soir. D’autres ont décidé de se joindre au défi; tous les jeunes de l’épopée, en fait, à mon plus grand bonheur.
Après manger (donc, pour être honnête, aux alentours de 11h) nous nous sommes autorisés un temps pour écrire les messages que nous avions besoin d’envoyer, puis chacun des 5 participants avons confié notre téléphone à une autre personne, qui s’est chargée de le cacher quelque part dans le chalet. Impossible de le trouver, et impossible de faire céder la personne qui a caché le portable : le serment est prêté, la clé jetée par la fenêtre.
J’apprécie beaucoup la lenteur avec laquelle la journée s’écoule ; le temps passé en balade n’est pas tellement différent de d’habitude, si ce n’est qu’il nous est impossible de savoir l’heure, de prendre des photos (mis à part avec l’appareil instantané d’Opale) ou de joindre le groupe dont nous nous sommes séparés. Je me suis surprise à palper mes poches arrière pour vérifier la présence de mon téléphone, et ai éprouvé une satisfaction très agréable de ne pas le trouver et de me savoir injoignable. Le temps au chalet passe lentement, et c’est délicieux. Nous lisons ou bavardons tranquillement au soleil. J’ai fait une sieste pour la première fois depuis des lustres, et m’endormir en regardant le plafond et en écoutant les oiseaux pépier est un doux bonheur que j’avais oublié. En fouillant un peu le chalet, je suis tombée sur un livre de botanique et ai pris quelques temps pour identifier les fleurs autour de la maison; j’ai acheté des feuilles blanches dans le but de le peindre.
Je craignais de me sentir désœuvrée; au contraire, j’ai l’impression de redécouvrir une profondeur à toutes les activités qui étaient déjà là, mais que je pratiquais un peu distraitement et que j’interrompais souvent, pour vous-savez-quoi.
Je sens les rythmes de la journée se succéder, je suis attentive à la manière dont mon énergie varie, j’apprécie ne rien faire. Les temps morts sont finalement plus vivants que jamais.
Voici les témoignages des autres participants :
Loïc :
Ca me fait un énorme bien; je me sens loin de tout, je n’ai de contact “inutile” avec personne. Je me sens présent, avec mes 5 sens et toute mon attention. Je pensais que j’aurais envie de demander à la personne qui l’a cachée ou était mon téléphone, mais finalement, non. Ce qui me manque le plus, c’est le fait de ne pas pouvoir prendre de photos. Mais je réalise aussi que c’est absurde d’avoir le réflexe de photographier le paysage au lieu de simplement profiter du moment.
Estelle :
Je me demande un peu si j’ai reçu des messages, et si j’aurai des messages en ouvrant mon téléphone. J’ai un peu des attentes par rapport à ça et ça me distrait parfois de ce que je suis en train de faire. Par contre, j’ai l’impression de pouvoir profiter plus pleinement des choses. Je suis pleinement attentive à ce que je fais, et je suis plus créative avec la manière dont je cherche à occuper mon temps. Il est bien plus facile de me concentrer sur ma lecture; si j’ai mon téléphone à disposition, j’ai tendance à me dire : “Allez, je lis trois pages et ensuite, je check mon téléphone”.
Opale :
Je suis pas mal stressée, quelques fois pendant la journée, de louper des messages qui pourraient être importants, mais ça finit par passer. Je regarde davantage ce qui m’entoure et j’apprécie trouver et m’intéresser à d’autres activités qu’être sur mon téléphone, qui est l’activité par défaut qu’on choisit quand on n’a “rien” à faire.
Alizée
“Je n’ai pas vu la journée passer et je n’ai presque pas pensé à mon téléphone, ce qui m’a beaucoup étonnée. D’habitude j’ai le réflexe de toujours vouloir aller checker si j’ai reçu des messages, checker mon fil Instagram ou Tiktok. ça m’a fait bizarre de ne pas l’avoir dans la poche arrière de mon pantalon, je sentais qu’il me manquait quelque chose mais j’ai vraiment essayé de me dire que c’était pas grave, et que les gens s’en foutent et attendront. Ce qui m’angoisse et qui m’a toujours angoissé, c’est le soir ou le moment où je rallume mon téléphone (après une journée de travail par exemple), et que je dois répondre à tous les messages que j’ai reçu, me mettre à jour et regarder ce que j’ai loupé. Une fois que c’est fait c’est bon mais avant et sur le moment ça me fait comme une boule dans le ventre (comme avant un examen) et je n’ai toujours pas compris pourquoi ça me fait ça. Donc là j’ai hâte de le ravoir mais j’appréhende les premières minutes de “mise à jour”.”
J’ai énormément apprécié passer cette journée sans téléphone en compagnie des autres; nous avons tous senti que nous étions plus ouverts au interactions et moins souvent irritables; moins d’éléments étaient susceptibles de nous rendre de mauvaise humeur.
Ce qui ressort de la journée et qui est étonnant, c’est qu’il est facile de se passer de notre téléphone lorsqu’on n’a pas le choix. Ce qui est difficile, c’est de l’avoir à disposition et de dépenser de l’énergie pour s’empêcher de le prendre.
Alors, quand vous le pouvez, demandez à ce qu’on cache votre téléphone et appréciez le plaisir de savoir et de sentir que vous êtes libres de vos chaînes pour quelques heures. Je vous souhaite que cela vous donne l’envie de vous en libérer tout à fait.
Câlin,
Jade